La bénédiction des skidoos

Chronique de Monsieur Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
Motoneige : petit véhicule à moteur qui permet de se déplacer sur la neige
Le petit Robert de poche, 2009
Je ne suis pas contre les skidoos Ils ont droit de vivre. J’en n’ai jamais eu toutefois, je n’en sens pas la nécessité. Ça coûte un bras et une jambe maintenant. J’ai des raquettes et des traineaux pour me lancer fébrilement sur les pentes l’hiver. J’ai même écrit un recueil de poésie à leur hommage. J’aimais le titre. La bénédiction des skidoos. Voici comment je l’ai trouvé.
Je circule sur le boulevard Saguenay en voiture avec ma blonde. On passe devant un Motel/Hôtel, Le Richelieu, qui n’existe plus où un motard s’est déjà fait tiré par sans doute un autre motard qui n’aimait pas la couleur de sa moto. Sur le gros babillard du motel s’était écrit « Dimanche le…, bénédiction des skidoos».
J’ai dit à ma blonde, «ça ferait un beau titre de recueil de poésie». Ensuite, je l’ai écrit, j’ai acheté les droits d’un tableau à Julien Boilly pour illustrer la page couverture –j’avais déjà acheté son tableau – parce que je croyais, et je le crois encore, que c’était la meilleure chose à faire pour rendre service au titre. En fait, c’est un recueil de poésie en hommage à son titre et par voie de conséquence aux skidoos.
J’ai même imaginé la fameuse bénédiction à laquelle je n’ai jamais assisté.
«Devant l’église, ils sont tous rangés, cordés les uns contre les autres. Ils ont éteint les moteurs pour ne pas trop étourdir le vieux curé qui va bientôt sortir pour les bénir ainsi que les skidoos. Ils sont arrivés de bonne heure ce dimanche matin-là. Ils sont venus au rendez-vous liturgique attisés par la chaleur du troupeau et la nécessité de faire le plein de fuel et de fort pour le reste de la journée. Ils sont tous vêtus de la même manière avec ces soutes d’astronautes et ces casques qu’on confond avec des grosses boules de quilles du haut du ciel. Ils sont sortis de la forêt à contre cœur. Ils ont déjà hâte d’y retourner. Les filles restent assises sur les engins pendant que les gars au garde-à-vous font des blagues de mauvais goût en attendant la giclée d’eau bénite. Ils se signeront quand ça seras le temps.» p.20
Ça pas trop vieilli. Ça date de 2010 aux éditions Trois-Pistoles de VLB.
Mais si je le réécrirais, je remplacerais le curé par la ministre Laforest, le ministre Charrette de l’environnement et Julie Dubord, la dg de tourisme SLSJ, pour arroser d’eau bénite – ou de bière locale – les motoneigistes réunis.
Pourquoi je parle des skidoos? C’est encore la ministre Laforest et pire le ministre de l’environnement Benoit Charrette encore qui croient dur comme fer que notre avenir passe par la bénédiction des skidoos tout azimut. Du moins, leur décision de passer outre les droits d’accès à la Zec Martin-Valin pour soulager les touristes motoneigistes des tarifs de passage le laisse entendre. Les frais quotidiens, c’est 13,46$ pour financer la Zec. Les motoneigistes de passage venant d’ailleurs ne veulent pas les payer. Ils payent déjà un droit d’accès (455$) pour le réseau de 33 000 km de pistes supervisées par la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec. Ils ne veulent rien savoir et retournent chez eux au lieu de débourser 13,46$ de plus par jour. Sont mal pris ces motoneigistes-là. Pourquoi est-ce tarif ridicule qui fait déborder leur investissement de base à ce loisir particulièrement dispendieux que peuvent se payer que des gens bien nantis?
Vous savez combien ça leur coûte les touristes en skidoo pour venir admirer les beaux paysages de la Zec Martin-Valin? Sont, en pesant mes mots, plutôt près de leurs sous. Ce qui leur prend de vouloir économiser sur un tel tarif ridicule quand on calcule les investissements qu’ils ont consentis pour exercer ce loisir qui se résume de la façon suivante : brûler du fuel assis sur un moteur branché sur des skis aérodynamiques. En plus, ça pollue (l’air et le son) et personne me convaincra que faire du skidoo c’est le nec plus ultra de l’exercice physique de base l’hiver.
Combien ça coûte faire du skidoo à toutes les fins de semaine à travers la province? Je me sers d’une référence fiable, un article du journal Les Affaires publié en décembre 2021 intitulé «La motoneige, un sport à prix élevé». D’abord, le titre est discutable. Pour moi, la motoneige, ce n’est pas un sport, c’est un loisir de gens oisifs qui veulent se donner l’illusion qu’ils marchent dans les pas de François Paradis sans trop prendre de risques. S’ils prennent des risques, c’est une autre histoire. Mais la majorité des motoneigistes – ils sont plus de 220 000 selon la Fédération- pratiquent ce loisir en évitant de se geler les doigts, les oreilles, le front, les pieds, le fessier, et confient à leur engin de 10 à 25000 $ le soin de les faire avancer ou reculer. Quand ils réussissent à éviter les collisions. Et on sait très bien que ce n’est pas toujours le cas. Pour faire de la motoneige comme touriste faut compter environ en dépenses, 2000$ par fin de semaine. Le fuel, la nourriture et l’hébergement.
L’habillement coûte un gros bras, 200$ pour des mitaines, le casque, les bottes, la soute, ça pète les milliers de dollars très rapidement. Les assurances aussi, le droit de passage, et un paquet de gadgets pour vous sentir encore plus confortable et sécurisé. Bref, ce ne sont pas des pauvres qui pratiquent ce loisir. Ils peuvent payer un tarif quotidien supplémentaire de 13,46$ pour continuer à jouir de leur loisir hivernal dispendieux. Pourquoi la ministre Laforest qui n’écoute que ses amis bien placés et le ministre de l’environnement qui ne considère sans doute pas que la motoneige est un loisir exempt de toute pollution – on attend les motoneiges électriques que dans 5 ans – ont-ils changé les règles du jeu touristique? Uniquement, pour faire plaisir à ces contribuables qui espèrent encore et toujours des réductions d’impôts et de taxes pour –sans doute – ajouter un gadget de plus à leur motoneige de 25 000$. Pour faire plaisir aussi à la DG du bureau touristique régional qui mise uniquement sur le nombre de motoneigistes d’ailleurs pour gonfler ses statistiques de nuitées l’hiver. Ce ne sont pas des pauvres qui font du skiddo sur les monts Valin. C’est quoi cette histoire de subventionner les riches encore pour polluer nos parcs?
Fonder une industrie touristique sur la motoneige c’est de plus en plus discutable. Les hivers deviennent de plus en plus problématiques. Dans dix ans il n’y aura peut-être plus beaucoup de neige au sol. On est en mars, les clubs de motoneigistes du Haut du Lac viennent de fermer les pistes parce que les skidoos glissent sur la gravelle. Ça peut arriver aussi ailleurs, même sur les monts Valin avec le réchauffement climatique qui nous pend au bout du casque…
Pour transporter son skidoo ça prend une remorque. Pour tirer une remorque ça prend un pick up. Ainsi de suite. Vous me voyez venir. J’arrête là. Les parcs devraient être réservés aux skieurs, aux raquetteurs, aux marcheurs, Aux excursionnistes et aux bêtes sauvages.
Vous voulez faire du skidoo, faites comme les vrais explorateurs et François Paradis, gagnez le Nord le plus loin possible où il n’y a plus de tarif journalier Pour entretenir les pistes. Faites du hors piste.
Je sais j’exagère. Mois aussi j’ai déjà fait de la motoneige durant des tempêtes autour et sur le lac Kénogami et je ne le regrette pas. Mais c’était un vieux skiddo qui toussait sans cesse et j’étais tellement mal habillé que je me gelais tout ce que j’avais comme membre. Ma soute était trop grande, mes mitaines trop petites, et mon casque trop serré. En fait, j’empruntais un kit d’un autre.Je mettais des doubles pour ne pas geler. Je me réchauffais en essayant de sortir le skidoo des trous de glace molle.
Les mordus de la motoneige l’appelle «le sport motorisé». J’aime mieux cette expression. Ça dit ce que ça veut dire.
Je me souviens d’un séjour à l’hôpital où le stationnement déborde – une nuit seulement, mais j’ai aimé ça parce que j’avais une chambre et une infirmière de nuit particulièrement animée – avec , entre autres, deux retraités de l’Alcan. Les deux patients dont l’un l’était moins, attendaient leurs skidoos neufs qu’ils avaient commandés il y a 18 mois. On était encore en pandémie. Je faisais semblant de m’intéresser à leurs conversations. Ils me confiaient combien ça leur coûtait leur fameux skidoo. Ils y tenaient encore malgré leur état de santé. De plus en plus fragile. Pour mieux m’intégrer j’ai dû leur dire que j’en magasinais un moi aussi. Quand ils m’ont demandé la marque, j’étais mal pris. L’infirmière animée est arrivée et elle m’a sauvé d’embarras.
J’aurais dû lui envoyer par la poste La bénédiction des skidoos pour la remercier. Mais il est un peu tard maintenant. Elle s’appelait Jeannine, comme ma matante qui vient de décéder à 98 ans. Infirmière elle aussi. Le monde est petit. J’allais dire comme l’univers du skidoo. Ils se connaissent tous ces aventuriers du flocon.
Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
n.b. prochain sujet : la pandémie et après
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