Les séries télé

Chronique de Monsieur Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
Série : suite de grandeurs qui croisent ou décroisent suivant une certaine loi
– dictionnaire Littré. 1872
Moi aussi je me suis laissé prendre par le culte des séries télé sur Netflix et les autres chaines payantes pour elles. J’ai succombé à leur tentation. Il est vrai que j’étais déjà comme gagné à la cause. La télé traditionnelle nous a habitué à des séries depuis fort longtemps. Déjà à l’apparition de la télé- vers 1952-54- les séries pointaient.
Je me souviens d’une série britannique un peu étrange dans les années 60 qui m’a marqué, Le prisonnier avec Patrick Mc Goohan. On se retrouvait dans un univers concentrationnaire à la limite de 1984 de Georges Orwell. Le prisonnier essayait tant bien que mal à déjouer les éléments de contrôle qui l’entouraient et l’empêchaient de quitter les lieux. C’était à la fois une série d’anticipation et de frayeur sur les bords. Ça me donnait un peu mal au ventre parfois.
Je regardais aussi avec attention les séries d’une demie heure présentées par Alfred Hitchcock, l’un de mes cinéastes préférés depuis longtemps à cause de ses deux films qui m’ont accompagné pendant mes cours de cinéma (Langage et analyse filmiques, Psychose et Les oiseaux.
Je me souviens aussi d’une série québécoise tournée à Québec avec deux comédiens reconnus Yvon Dufour et Marc Favreau, Les enquêtes Jobidon. J’aimais cette série parce que je reconnaissais les lieux de tournage et parfois en circulant dans la ville, j’étais témoin de certaines scènes en tournage. Une série devenue plutôt naïve et loufoque aujourd’hui tournée avec peut de moyens techniques mais avec l’esprit du temps, les années 60 et les débuts de la télé d’ici.
Pourquoi les séries ont-elles pris une telle place depuis quelques années dans notre fréquentation télévisuelle? Autrement dit, pourquoi la télé à la carte a-t-elle autant grugé du temps d’antenne à la télé traditionnelle?
Je crois que c’est en grande partie parce que le cinéma des salles n’a pas réussi à se renouveler et à conserver et entretenir son public. Le cinéma américain commercial, celui qui ne respire que par les effets spéciaux, n’est plus abordable. Peu de producteurs peuvent y investir de l’argent et des risques sans être certains de marquer des points. Ils se sont donc tournés vers la télé à la carte pour produire avec moins de pertes des séries qui profitent tout de même de budgets considérables et des moyens techniques qui sont à proprement parler les mêmes que le cinéma. Il y a des séries qui sont tournées par des équipes professionnelles chevronnées et qui peuvent se payer les acteurs et les actrices de renom qui ne tournent pratiquement plus de films pour le grand écran.
Et, détail non négligeable, plus d’arrêt de pub. L’élément est de taille. Je me souviens d’une remarque du cinéaste Jean-Pierre Lefebvre que personne ne connaît aujourd’hui, qui disait à propos des pubs qui coupaient les films présentés à la télé :« s’ils intercalent des pubs pendant mes films, je veux qu’ils intercalent un long métrage dans chaque pub.»
C’est une façon de voir les choses et de signaler qu’un film comme un livre et encore comme un épisode d’une série c’est préférable de ne pas y insérer de la pub pendant leur lecture. Point final.
Autre détail important au sujet des séries télé de Netflix et autres diffuseurs, le modèle a fini par se laminer. Malgré le fait que je fréquente surtout les séries policières – c’est mon plaisir de voir les crapules prennent le haut du pavé un certain temps face à la justice et aux flics – on finit par saisir que les scénarios et la manière de raconter et de filmer finissent par se rapprocher. Comme si il y avait un modèle des séries télé actuelles de partout à travers le monde.
Même les Sud Coréens avec leur instinct de mettre en scène le quotidien ordinaire finissent par assumer le modèle que j’appellerais Netflix. En qui consiste-t-il? Il y a des dizaines sinon une bonne centaine de pays du monde qui ont adopté ce réflexe télévisuel Netflix. Les lieux de tournage –je me limite à la fiction, je ne connais pas vraiment les séries documentaires et elles me restent plutôt froid, elles se limitent trop à des têtes qui parlent, la télé traditionnelle avec petit budget limitées à tourner en studio la plupart du temps- servent à montrer les sites reconnus du pays en question, souvent évidemment avec images de drones presqu’obligatoires à chaque fois, en fait on tourne les scènes importantes toujours dans des lieux reconnus. Les génériques y font souvent référence. À la limite, on réduit les images du pays producteur et l’histoire à des clichés facilement reconnaissables à la longue.
Surtout quand la série connaît plusieurs saisons.
Pour ce qui est des séries policières américaines, britanniques ou nordiques les personnages principaux enquêteurs ou policiers sont souvent des femmes, ou des hommes aux prises avec des problèmes domestiques. Parfois sexuels ou familiaux de naissances. La famille finit souvent par prendre le dessus sur la trame policière. Les personnages principaux ont toujours ont souvent un passé trouble ou obscure. D’où l’utilisation souvent abusive de retours en arrière ou flashback pour éclairer l’action et les propos.
Je trouve vraiment naïf les avertissements qu’on inscrit au début des séries pour signaler aux téléspectateurs de ménager les enfants, les ados ou les adultes qui se méfient de tout.
Ex. sexualité, consommation de tabac, violence, sadisme, masochisme, langage grossier, morbidité, présence d’extraterrestres, mauvaise manière à table, athéisme, et j’en passe.
Comme si les trames de ces séries voulaient s’afficher politiquement et moralement correcte sur toutes les coutures.
Enfin, règle générale, quand vous trouvez encore du plaisir à regarder une série pour la seconde ou troisième fois, c’est un bon signe. Les autres, on les oublie vite comme tant d’autres.
Mon palmarès des séries qui résistent à mon temps maintenant. Peu de séries récentes ici. Que des séries d’un certain âge qui méritent qu’on s’en souvienne à cause de leur originalité et leur pertinence à traiter de l’ère du temps. Il me manque de la place pour en faire le tour. Je signale ici celles qui méritent plus que le détour.
Twin Peaks de David Lynch, la première série de 1990 et la suite, 30 ans plus tard. Série à part s’il en est une. Récit labyrinthique et climat kafkéen s’il en est un. Ça peut se passer n’importe quand et n’importe où. À la fois policier et psychanalytique.
The Sopranos. La mafia italienne américaine sous son volet domestique. La famille d’abord et après souper, les règlements de comptes. Les dialogues sont souvent tordants.
Six feet Under. Les hauts et les bas d’une famille d’entrepreneur de pompe funèbre. Là aussi la famille lance les rebondissements avec la mère plus ou moins troublée. La mort en permanence veille.
Dexter. Un peu la suite du précédent avec un des personnages de la série devenu justicier psychopathe.
Seinfeld. Vieille série comique américaine (1989-1998) qui tient encore le coup. Un groupe de célibataires qui se fouillent pour ne rien faire de leur vie. Presque juste des intérieurs filmés avec les moyens du bord. New-Yorkais à l’os.
Breaking Bad. Un prof de chimie qui aime trop sa famille. Ça vire en policier tordu.
The Wire. Et la suite Treme. Policier, musical avec des figurants encore plus talentueux que les vrais acteurs. Les crimes à Baltimore et la suite à la Nouvel Orléans après Katrina. Même casting ou presque.
The Hand Maid’s Tale. La servante écarlate prémonitoire de Margaret Atwood.
Better Call Saul. Un avocat tout croche, malhonnête et brillant.
Fargo. Inspiré des films et de l’esprit absurde des frères Coen.
Big Little Lies de Jean-Marc Vallée. Un rare québécois dans la cour des grandes séries.
The Walking Dead. On reste accrochés. Je pense aux maquilleurs de la série.
Série Noire (2014) de François Létourneau et Jean-François Rivard. Une série policière d’ici qui se démarque surtout par son sens de la dérision.
Et d’autres policières en rafale pour terminer : The Faqll, Luther, Banshee, The Left Over, Reality, et Happy Valley, très bonne série britannique très différente des séries américaines du même genre trop chromées à mon goût.
Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
N.B. Prochain sujet : s’informer
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