Les équipements sportifs

Chronique de Monsieur Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida

Le sport amuse les masses, leur bouffe l’esprit et les abêtit.
-Thomas Bernhard

Je n’ai rien contre les équipements sportifs d’une ville ou de l’autre. Mais les élus municipaux devraient sans doute miser sur d’autre chose pour assurer leur prochaine élection. C’est petit comme projet collectif. Ils font tous la même chose. Vivement vers le plus petit dominateur commun. Ici surtout de ce côté-ci du Parc où les sports traditionnels sont rois. Mais ces choses-là on peut en profiter si on garde la tête froide.

Prenons par exemple, les arénas. Il en a combien dans la région? Deux à la Baie, une presque dans toutes les petites villes et villages. Comme si patiner et jouer au hockey dehors l’hiver c’était le summum du dépouillement municipal.

À l’heure où je vous parle (l’expression est souvent employée par les reporters et les politiciens en mal d’expressions consacrées), on discute fort au conseil municipal de Saguenay pour trancher la question qui tue : va-t-on construire un nouvel aréna ou bien revamper une fois de plus le centre Georges-Vézina en fin de vie depuis belle lurette. Je n’ai rien contre les équipements sportifs, mais c’est facile de détecter les priorités des élus quand on les voit surgir de terre, un peu partout.

Ils écoutent le bon peuple gémir et les animateurs de radio populiste faire semblant de réfléchir à nos besoins et désirs collectifs. Ils attendent surtout les nouveaux programmes gouvernementaux de subventions pour boucler leur budget d’équipements sportifs constamment à refaire et à reconsidérer.

Parfois, ça donne des résultats surprenants. Même réjouissants. Je pense ici à la nouvelle piscine de Kénogami qu’on vient d’inaugurer dans le parc Alcide-Reid. Un endroit idéal pour affronter la canicule et les limites de devoir loger dans un 3 et demi mal aéré l’été. Autour de cette piscine remarquable – chauffée en plus – on retrouve des jeux d’eau, un parc avec des équipements d’entraînement, un terrain de soccer qui n’est pas à dédaigner mais esseulé, un terrain de baseball revampé, un jardin communautaire sensiblement bien fréquenté et entretenu et surtout des arbres qui vont pousser à un moment donné pour fournir de la fraicheur. C’est un ensemble de jeux et de récréation exemplaire, à mon avis.

Les enfants ont commencé à fréquenter la piscine de façon régulière et les adultes qui veulent faire leurs longueurs quotidiennes peuvent le faire de 17 à 18 heures tous les jours de la semaine. Et ce gratos. Jusqu’à ce que les moniteurs retournent au cégep fin août. C’est un rendez-vous précieux pour ceux et celles qui ne peuvent se contenter à des jeux d’eau et à des piscines privées limitées.

Malheureusement dans la cité saguenéenne, les piscines dans bien des cas sont à bout d’âge et on ne peut les sauver. Il faut en construire de nouvelles et les coûts sont astronomiques : 4 M $ pour celle de Kénogami qui remplace celle du Mont-Fortin désuète.

La tendance à les remplacer par des jeux d’eau un peu partout dans les parcs n’est pas l’idée du siècle. Je ne connais pas beaucoup de flos qui peuvent apprendre à nager à se faisant arroser ou en pataugeant dans 4 pouces d’eau. C’est un service public à leur rendre de leur fournir des piscines pour lutter contre la peur de l’eau que trop de parents entretiennent, de génération en génération.

Je suis étonné d’apprendre que certains milieux – les agriculteurs par exemple – sont plus à risques de se noyer que d’autres s’ils se retrouvent à l’eau accidentellement lors d’un voyage de pêche ou de chasse. Ou lors d’un glissement de terrain inusité après un orage violent.

Ça devrait être un mandat de tout parent d’encourager leurs enfants à suivre des cours de natation et à se baigner l’été et l’hiver aussi quand c’est possible dans les piscines publiques. Ça les éviteraient de se noyer pour un rien quad l’eau déborde de tous les côtés.

Revenons-en aux équipements sportifs.

Pour moi, les pistes cyclables font parti de ceux-ci. Comme en ville, on devrait les entretenir toute l’année. Interdire aux skidoos de les prendre pour leurs sentiers obligés l’hiver. Eux autres qu’ils aillent jouer dans le bois, c’est leur domaine. Pas seulement les entretenir toute l’année, mais aussi les rendre accessibles dans les centres-villes et le plus d’endroits possibles. Exemple : essayer de vous rendre dans les centres d’achat de place du Royaume en vélo. Bonne chance comme on dit. Il y a toutes les chances du monde qu’un pick up vous empale avant que vous y arriviez. La même chose pour circuler sur la St-Do à Jonquière ou sur la Ste Famille à Kénogami. Pas de place pour les vélos là. Faut se faire une place tassé par les voitures et les camions. Les conducteurs ne nous voient pas ou c’est à la dernière minute avant de nous rentrer dedans.

Autre détail de poids. Il manque des bornes de stationnement pour les vélos dans les centres villes. Peu de commerces les considèrent suffisamment pour en poser. Et autre chose qui me chicotte depuis toujours : pourquoi faut-il payer à des bornes commerciales pour gonfler nos pneus? Avant, tous les garages fournissaient ce service au vélo gratuitement. Maintenant faut payer 1 ou 2$ pour l’air de nos pneus. C’est du vol malgré le fait qu’ils disent financer des organismes à but non lucratif avec les tarifs.

Essayez de circuler sur la rue Racine-en haut comme en bas de la côte – à vélo pour voir. Chicoutimi, Jonquière, Kénogami et même Port Alfred ne sont pas des villes de cyclistes. On ne peut les traverser à vélo sans risques. Au tour de l’île de Montréal, je suis parti du stade olympique et je me suis rendu en 24 minutes sur la rue Laurier à Outremont en toute facilité et surtout en toute sécurité. Maintenant sur Saint-Denis, une piste cyclable à sens unique nous conduit du nord au sud sans problème. Il serait grand temps que nos villes songent à transformer les centres villes pour permettre aux cyclistes de remplacer les voitures. Et par la suite, il faudra déterminer certaines rues piétonnières pour éloigner les voitures qui encombrent nos villes toujours vouées aux chars sacrés.

Toujours au sujet des équipements sportifs, on pourrait fournir près des rivières qui traversent nos villes plus de services qu’on en offre actuellement. Je pense à la Rivière-aux-sables dont les abords laissent à désirer depuis longtemps. Il m’arrive d’aller pêcher – ça ne mord pas vraiment, j’y vais pour observer les huards et les promeneurs – sous le pont près des HLM plus ou moins bien entretenus, voisin du petit barrage. On dirait que certains se servent de la rivière comme chute à déchets et à détritus de toutes sortes. Des vieux vélos, des meubles, des sacs de plastique à profusion, des lignes à pêche abandonnées, des jouets et j’en passe. Pourquoi pas une brigade de nettoyage l’été. Ça donnerait peut-être le goût de s’y aventurer plus souvent en canot et parfois même d’y plonger pour faire des longueurs ou des largeurs.

Depuis le déluge, les pitounes de cette rivière ont pris le bord de la rivière Saguenay. On pourrait sans doute la dépolluer davantage pour attirer les baigneurs. J’ai toujours considéré la Rivière-aux-sables comme un équipement sportif que la ville se devait entretenir pour la rendre plus attractif aux amateurs de sports nautiques.

Les élus ont une conception très limitée des sports populaires. Pour eux et elles, la plupart du temps ces équipement convoités par la population se résument aux arénas, aux piscines et aux terrains de baseball. On dépense des fortunes depuis des années pour ce type d’équipements. Je pense ici au stade de baseball de Jonquière qu’on doit refaire cette année parce que les sièges neufs installés lors de la dernière rénovation ne répondent aux normes.

Je n’ai rien contre le baseball, mais la saison est courte et le sport en question ne semble pas attirer complètement les jeunes générations. Mais, notre fibre américaine se met à vibrer quand on entre dans un stade de baseball malgré tout. Le sport a quelque chose de zen et les hots dogs à vapeur aidant, notre adolescence de joueur de baseball remonte à la surface malgré notre faible moyenne au bâton. J’ai joué au baseball au stade de Québec avec l’équipe de Charny il y a un demi-siècle, je m’en souviens encore. Je me dois donc de respecter malgré tout les fanatiques de la balle dure… Et mes neveux jouent tous au baseball à Lévis comme le faisait leur grand-père, receveur hors pair.

Autre détail non négligeable, surtout pendant les périodes de canicule qui seront sans doute plus fréquentes d’année en année, nos villes devraient prévoir des points d’eau, des abreuvoirs un peu partout en ville pour les coureurs, les cyclistes, les marcheurs, le monde qui risque encore à sortir dehors malgré tout.

Et le soccer dôme là-dedans? C’est pour l’hiver je crois ou pour les vieux et les vielles qui veulent courir ou marcher sans se péter les hanches sur la glace. Je le vois pointer de loin quand je vais chez Potvin Bouchard mais je n’y suis jamais rentré. Au début, je crois que c’était payant. Fallait payer un prix d’entrée pour y avoir accès et pour s’en servir. J’imagine que les joueurs et les joueuses de soccer peuvent s’entraîner là en saison hivernale. Mais c’est toujours un peu risqué pour les chevilles et les genoux de courir sur une surface synthétique. Il y a des joueurs de soccer professionnels qui refusent de jouer sur de telles surfaces à l’extérieur. J’imagine que c’est encore plus dangereux à l’intérieur.

C’est un peu comme les arénas. Les amateurs de patinage et de hockey n’aiment pas l’inconfort des espaces extérieurs. Ils n’aiment pas gratter leur patinoire. C’est un sport qui est passé date. Pour le soccer c’est une autre histoire. On ne peut pas chauffer les terrains de soccer extérieurs l’hiver. Quoique dans les villes où il y a des équipes professionnelles comme en Angleterre ou en France, certains terrains sont chauffés pour contrer les intempéries y comprises les tempêtes de neige éventuelles. La saison régulière se prolonge, même pendant les mois d’hiver de novembre à mars où parfois la neige les surprend.

C’est complexe les équipements sportifs d’une ville. Ça peut déborder un peu partout. C’est souvent le nerf de la guerre politique pour entretenir le bon voisinage avec les citoyens d’abord. Les élus le savent plus que bien d’autres. Les élections malheureusement débordent sur ces enjeux. Et le plus inquiétant, ce sont ces équipement sportifs qui grugent des millions$ dans les budgets municipaux.

Il n’y a pas de règle magique pour satisfaire tout le monde dans ce domaine. Ou plutôt oui. Décider à long terme des équipements à mettre en place. Mais le problème c’est que les élus ne privilégient que rarement le long terme. Ils restent dans l’immédiat. Ils veulent des résultats le plus rapidement possible. Ils décident à court terme. Il leur manque la projection pour se démarquer, pour imaginer le meilleur du futur. On ne peut leur demander l’impossible. Il faut alors leur souffler dans l’oreille ce qui serait le meilleur des mondes si les conditions le permettaient. Ce n’est pas toujours facile quand les élus ne se fient qu’aux rumeurs publiques et qu’aux sauts d’humeurs de leurs attachés politiques bornés par l’agenda municipal. Ça prendrait un conseil des sages et de sportifs mordus plus désintéressés que… Pierre Lavoie, notre gourou de la pédale. La meilleure chose c’est d’aller voir ailleurs ce qui se passe. Ailleurs ici et dans le monde.

Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
n.b. prochain sujet : retaper la St-Do


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