Les vélos électriques

Chronique de Monsieur Pierre Demers, cinéaste, poète et cycliste rouge d’Arvida

Je vais vous dire un truc qui va faire hurler Mme Ayotte (Directrice du laboratoire de contrôle de dopage sportif) : j’aime ce sport à la folie et je me fous, m’entendez-vous, je me contrefous qu’ils se shootent à l’eau de Javel, au beurre de pinottes ou au pipi de ouistiti enceinte. Ma passion se nourrit de leur déraison même.

  • -Pierre Foglia, Le tour de Foglia et chroniques françaises, Vélo Mag/Les Éditions La Presse, 2004, p.196-

J’aime faire du vélo. Du vrai vélo, pas du vélo boosté comme ceux qui se multiplient à l’infini un peu partout sur les routes, les pistes cyclables depuis un certain temps. Disons, depuis que les vendeurs de vélos et de motos ont senti la bonne affaire. Quand je pédale, je veux que ça avance et que ça fasse mal au début. À la fin, une fois réchauffé, ça va tout seul. C’est un peu ça le vélo.

Au début de la saison- dans mon cas le 6 avril cette année, presqu’en même temps que la sortie des siffleux qui m’indiquent toujours que c’est le temps de pédaler dehors – on reste un peu méfiant. Mon parcours habituel me résistera-t-il? Devrais-je m’en revenir à pied ou en taxi? La piste cyclable est-elle encore accessible? Je dois me réchauffer pour participer depuis quelques années au tour de l’île de Montréal la nuit avec les flos et le dimanche avec tout le monde (30 000 cyclistes environ) dans les quartiers de la ville interdite aux chars. C’est dommage que ça ne se fasse pas ici.

Ici, Pierre Lavoie, le gourou de la pédale, devenue depuis un certain temps agent immobilier pour condos de luxe dans les pentes de skis et créateur d’écoles modèles avec – entre autres – le gourou des cuisines, Ricardo lui-même, privilégie les grands tours plus dispendieux accessibles qu’aux vélos de luxe qui regroupent les pédaleurs de pointe qui aiment risquer leur vie en pelotons dans le parc quand la brume dissimule les orignaux. Et avec une arrivée triomphale au stade olympique avec fanfares et caméras tva. Chacun son trip.

La rumeur publique répand que Pierre Lavoie au moins «fait bouger le monde». C’est curieux, moi je n’ai pas besoin d’un gourou pour me faire sortir dehors pour marcher ou pédaler. Si Lavoie vous demande de sortir dehors pour vous jeter dans la rivière Saguenay, y iriez-vous potron-minet? C’est quoi cette civilisation de moutons qui a besoin d’un gourou pour prendre l’air et faire de l’exercice? Vous savez combien le gourou de la pédale est payé pour une conférence sur sa mission de sauver le monde qui ne bouge pu? Pour moi, son trip ressemble pas mal à celui des curés qui faisaient peur au monde en rendant obligatoire la dîme et la procréation non assistée. Fermons pour l’instant la parenthèse lavoisienne avant que je perde les pédales.

Le trip du gourou de la pédale n’est pas ce qu’on appelle démocratique. Il est réservé à une élite en moyens, surtout recrutée dans le milieu des affaires et de la politique évidemment – Lavoie a besoin de fric pour ses projets humanitaires – Le tour de l’île de Montréal l’est. Pas besoin d’avoir un vélo de 5 000$ et ramasser sa contribution financière obligatoire pour y avoir accès. Ça coûte 30$ l’inscription. Tout le monde peut pédaler à sa vitesse et à sa ressemblance. Un peu comme la course des Pichous ici à chaque printemps réunissant les coureurs et marcheurs de toute catégorie. À quand le tour du Saguenay à vélo pour tout le monde? La question est posée. Ce n’est sûrement pas Pierre Lavoie qui va y répondre. Encore moins la ville qui entretient très mal ses pistes et considère encore que le modèle lavoisien le désert elle et la région au complet. Après tout, Péladeau lui-même, le gourou de la télé et du cell y participe. Quelques politiciens aussi qui veulent se montrer à côté du gourou pour flatter leurs électeurs dans le sens du vent.

À Montréal, le Bixi l’an prochain va être disponible 12 mois par année avec des vélos à crampons. 1000 bixis disponibles l’hiver. À Québec, on développe les pistes cyclables pour réunir le bas et la haute ville. Combattre les cotes en imaginant différents monte-pentes. On prend des décisions pour faire du vélo le moyen de transport pour habiter les villes. Bientôt, on espère, le troisième lien à Québec ne sera réservé qu’aux vélos? Why not.

Ici on n’est pas rendu là. Les pistes cyclables sont réservées au skidoo l’hiver. Vous pouvez vous faire faucher si vous vous y aventurez de trop près par mégarde, à pied ou en vélo pneus balounes.

Ici on se fait klaxonner régulièrement par les autos et les pick ups quand on traîne trop sur les routes avec son vélo. Mais là il semble qu’un nouveau danger nous guette nous les mordus du vélocipède qui s’entêtent à rouler sans assistance sur les pistes cyclables : les vélos électriques puisqu’il faut les appeler par leur nom. Ça tombe bien, c’est le sujet de ma chronique que je détourne depuis le début. Ce n’est pas de ma faute mais celle du gourou de la pédale qui me donne des boutons à chaque fois qu’il prend la parole. Sors de mon corps et de mon vélo…

J’ai rien contre les vélos électriques. Pour en avoir un, j’aurais besoin d’une subvention. D’ailleurs ça existe. Aux USA, dans certains pays européens, au Canada bientôt on encourage les automobilistes à aller travailler en vélo électrique et on les subventionne pour le faire. Ça leur permet de bouger un peu plus, de réduire le nombre de voitures dans les villes et d’améliorer leur bilan carbone.

Équiterre milite pour cette cause d’ailleurs en lançant ce type de vélo contre les VUS, entre autres, pour convaincre les indécis chauffeurs à abandonner leur char une fois pour toutes en ville.

Ici, on n’en n’est pas rendu là. Les gens ont vite sauté sur cette mode. Malgré le fait que ça coûte un bras et une jambe, parfois les deux. Ceux et celles que je rencontre sur les pistes cyclables du Saguenay-je n’ai pas vérifié encore sur la vélo route des Bleuets- ne sont pas nécessairement des cyclistes très aguerris. Souvent des vieux ou assez vieux, autant des femmes que des hommes. Ils n’ont pas toujours beaucoup de millage vélo dans le corps. Surtout, ils ne se doutent pas que ces vélos ne sont pas toujours faciles à manœuvrer. Ils sont lourds et n’obéissent pas au pied et à l’œil. Pour faire un geste rapide- stopper, tourner rapidement, éviter un cycliste ou une voiture- ce n’est pas facile. Le vélo en question pèse son poids et peut vous enfoncer un vélo non électrique dans le temps de le dire. Et il faut le dire, les adeptes de ce vélo jumbo n’ont pas beaucoup d’expérience sur la route à vélo. Les plus jeunes qui s’en servent ont plus d’habileté mais roulent très vite parce que c’est facile de le faire avec un petit moteur dans le cul qui vous appuie tout le temps.

J’ai eu deux expériences avec ces vélos l’année dernière. Cette année, ils ne sont pas encore sortis parce qu’il fait un peu froid et ses adeptes ne veulent pas trop se donner de misère. Ils attendent le soleil comme tout le monde mais plus pour eux, je crois.

Ma première expérience, sur une piste cyclable en revenant de Kénogami, un cycliste électrique pas très vieux me dépasse dans une courbe et un début de descente. Il va vite. N’a pas signalé avant de quelque façon. Je ne l’ai pas vu arriver. J’ai juste le temps de me tasser et d’arrêter presque dans le canal à gauche de la piste. Lui il n’a rien vue, que la vitesse qui le grise et son moteur qui lui chatouille les gosses. Il était deux ou trois fois plus gros que moi. C’est un vélo électrique qui lui donne envie de se faire un chemin parmi les autres. J’aurais voulu lui parler pour lui expliquer un peu. Mais, il était déjà loin. Le petit moteur en appendice. À lui la piste cyclable.

L’autre expérience, j’en ai été le témoin. À un passage à niveau où il faut s’arrêter pour voir si les voitures ne sont pas dans l’angle, un vélocycliste électrique d’un certain âge débouche près de moi. Je lui dis d’arrêter mais il ne comprend rien. En fait, il voudrait bien s’arrêter mais son engin trop lourd ne lui obéit pas. Il continue sur la piste tracée dans la rue. L’automobile freine brusquement pour ne pas le frapper. Je regarde la scène en me disant que le cycliste manque un peu d’expérience et qu’il va se retrouver en traction à l’hôpital ou pire à la morgue. Heureusement, le char arrête à temps. Le cycliste à moteur a eu une peur bleue. Je vais le rejoindre et il me reproche de ne pas l’avoir averti à temps. Je lui signale que je ne travaille pas pour la police des pistes cyclables. Ça s’arrête là notre conversation.

Bref, ça freine pas comme on veut ces vélos-là. Les accidents vont se multiplier sur les pistes cyclables et ailleurs aussi. Les données à ce sujet sont déjà à la hausse sur la vélo route des bleuets. Je songe à ne plus emprunter les pistes cyclables avant d’avoir reçu l’armure que j’ai commandée pour me protéger. On en est rendu là. Comme si l’époque redoutait les efforts en faisant semblant de participer à l’effort de guerre contre la pollution au péril de leur vie et de celle des autres.

Pierre Demers, cinéaste, poète et cycliste rouge d’Arvida
n.b.prochain sujet : les livres, les livres


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