Les chauves-souris: mieux les appréhender

Par Antoine Le Blet, technicien de la faune chiroptérologue, membre fondateur du Groupe Chiroptères du Québec

Dans le premier article de cette série, il était mentionné que les chauves-souris au Québec étaient mal connues. Nous allons donc nous pencher un peu plus sur ces animaux nocturnes afin de mieux les appréhender. Car il ne suffit pas que de connaître leur utilité dans la préservation de l’environnement, pour les préserver il faut avant tout les connaitre. Au menu, un rapide tour en biologie et également en éthologie, qui est l’étude du comportement animal dans son milieu naturel. Allez, brisons quelques mythes entourant ces animaux !

Tout d’abord, la chauve-souris, c’est quoi ? Une souris volante pourvue d’aile et toute chauve ? Bien que cette question en fait sourire certain, cette image reste ancrée dans l’esprit de nombreuses personnes. La chauve-souris, donc, est le second ordre de mammifère comportant le plus d’espèce, juste après les rongeurs. On en dénombre environ 1200 à travers le monde ! La chauve-souris, dit « chiroptère », est un ordre à part entière qui a même sa science, la « chiroptérologie ». Il s’avère que ce sont les seuls mammifères volants. Dans le monde, on retrouve des chauves-souris qui se nourrissent d’insectes, comme ici, mais aussi de nectar, de fruit, de poisson, d’amphibien voir même, de sang. Rassurez-vous, les chauves-souris vampires ne se retrouve qu’en Amérique centrale et du sud. Le côté surprenant, c’est que les chauves-souris, en se nourrissant de nectar, participe à la pollinisation de nombreuses fleurs à travers le monde, notamment de nombreuses espèces d’agaves, mais aussi de nos très chères bananes, mangues ou dattes. Elles dispersent également les graines de nombreuses espèces de plantes en zones tropicales ! Ici au Québec, les chauves-souris mangent un nombre important d’insectes, pouvant réduire de 50% l’utilisation d’insecticide dans les vergers. Et ce résultat est proche pour le reste de l’agriculture et même pour notre confort l’été en réduisant le nombre d’insectes nuisibles !

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(Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)

Plus haut, il était question que la chauve-souris était appelée « chiroptère » dans le monde scientifique. Mais pourquoi ? Il est important de décomposer le mot. « Chiro » signifie la main, et « ptère », le vol. Ce mot décrit tout simplement la biologie de notre animal nocturne favoris ! En effet, la chauve-souris vole avec des mains. Ses « ailes », en réalité, sont constituées de cinq doigts, rassemblés par une membrane parmi les plus fine et les plus solide à travers le monde. Elle est même l’une de celle qui se régénère le plus vite en cas de blessure comme une déchirure par exemple !

Souvent, on voit des photographies de chauves-souris toutes dents sorties, prêtes à nous mordre. Sachez que les chauves-souris n’ouvrent pas la gueule pour effrayer ou attaquer, mais bel et bien pour utiliser leur ultrason afin d’identifier le photographe. D’ailleurs, si elles ont de si grande dent pointue, c’est pour mieux percer les carapaces des insectes composées de chitines, une molécule issue des glucides formant des carapaces extrêmes solides. Et les chauves-souris, sont-elles aveugles ? Et bien non ! Elles voient même très bien, mais dans l’obscurité. De jour, elles sont éblouies par la puissance de la lumière.

En haut de l’article, il était aussi question d’éthologie, et bien nous y voilà. Pourquoi parler du comportement des chauves-souris ? Et bien pour mieux les appréhender !

Une chauve-souris vit sur un cycle annuel très précis qui, en fonction des espèces, aura plus ou moins la même durée pour chaque quart de celui-ci. Tout d’abord, commençons en automne, car c’est là que tout commence. C’est le moment où elle quitte le gîte d’été pour se retrouver dans des lieux très important pour les chauves-souris, généralement dans une grotte précise. Là, nous pouvons assister à un grand brassage génétique, la copulation. Les chauves-souris s’accouplent en vol, sur une paroi ou dans un arbre. Quelques fois, plusieurs mâles tentent de féconder une même femelle. Ce grand moment pour les chiroptères indique aussi qu’il est bientôt temps pour l’hibernation.

C’est à ce moment qu’elle tombe en léthargie, une forme de sommeil très profond durant lequel l’animal peut sembler mort. Son rythme cardiaque passe de 600 pulsassions par minutes en plein vol (300 au repos) à un rythme de 11 à 25 battements par minutes, cela afin de réduire ses besoins énergétiques. Elle fera des apnées pouvant atteindre 90 minutes et sa température corporelle baisse à quelques degrés au-dessus de son lieu d’hibernation, celui-ci étant généralement compris entre 4 et 10 degrés. C’est durant ce moment que le Syndrome du museau blanc agit, en attaquant les tissus de la chauve-souris, s’en nourrissant. Il s’installe là où elle est presque dépourvue de poil et lui créé des plaies, notamment sur les ailes et le museau, d’où son nom ! Généralement, cela la réveille, ce qui a pour conséquence de lui brûler ses réserves de graisse et bien trop souvent, finit par la tuer, épuisée.

Durant cette période, bien que la saison de reproduction se soit déroulé avant, aucune vie ne prend forme dans le ventre des futures mères. Il va falloir attendre au quart suivant.

C’est à ce moment que le printemps arrive, avec toute l’éclosion de la vie qu’on lui connait. Alors que les arbres bourgeonnent et que les premières feuilles tapissent les paysages d’un vert pâle, que les fleurs sortent un peu partout, une vie prend forme dans le ventre des mamans. C’est le temps de refaire un beau poids de santé après avoir brûlé la grande majorité de leur réserve de graisse. Elles vont alors retrouver leur gîte d’été, la maternité, où elles mettront bas. Cette maternité, si la vie le leur permet, sera la même toute leur vie et pour la future vie des jeunes qui y naitront.

Nous voilà donc dans le dernier quart du cycle de la vie d’une chauve-souris. Et c’est là que les chiroptères nous livrent des moments incroyables. Alors que les mâles se déplacent en solitaires ou accompagné d’un ou plusieurs autres sur le territoire, les femelles sont rassemblés pour élever leurs petits, dans un arbre creux, une veille grande ou l’entretoit d’une maison. Généralement, elles n’ont qu’un petit, dont la survie varie entre 50 et 80%. Il nait nu, sans savoir voler ni communiquer. La mère l’allaite durant ses premières semaines, transportant son petit avec elle sur son ventre durant tous ses déplacements. Fait étonnant, lorsque le petit est agité, les chauves-souris peuvent leur chanter ce qui s’apparente à une berceuse, les calmant. Puis, vient le moment d’apprendre à voler et à communiquer. Car s’il y a un domaine dans lequel la chauve-souris excelle au moins aussi bien que dans l’art de voler, c’est dans celui de la communication. Elle est capable de lier des liens d’amitiés et surtout, de transmettre des informations complexes aux autres individus de la société. C’est une véritable société qui se met en place, le temps d’un été afin de protéger leur progéniture, sensibles et vulnérables, que sont leurs petits.

Il est impossible de décrire la complexité de leurs rapports en un simple article tant les études qui les décrivent sont nombreuses. Pourtant, à travers ces quelques lignes, il est difficile d’y lire l’histoire d’un animal épeurant. La chauve-souris est bel et bien un animal doué d’une sensibilité et d’une intelligence d’une rare égalité dans el règne animal, ce qui en fait l’un des animaux les plus intéressant à étudier !


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