S’informer

Chronique de Monsieur Pierre Demenrs, cinéaste et poète rouge d’Arvida
Être informé de tout et être condamné à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles –
Georges Bernanos
L’information déborde. C’est une lapalissade. Plus elle déborde, plus elle me semble insignifiante, pour ne pas dire redondante à souhait. Une nouvelle répétée cent fois s’efface d’elle-même. On finit par l’oublier, la réduire à un fait divers sans suite. À la fin, ne plus y croire. Il devient de plus en plus difficile de s’informer sur ce qui se passe dans le monde sans se faire avoir par des fausses nouvelles, une interprétation erronée et des détournements de sens à n’en plus finir. Qui dit vrai? Qui dit faux? Les fake news sont passées par là. La grosse moufette blonde Trump n’a pas aidé à garder la tête froide et les esprits clairs. Pour lui, l’information exacte, la vérité des faits n’existe plus. Pour ses partisans non plus. On ne croit que ce qu’on dit. Belle mentalité pour berner la planète au complet.
Bon, comment s’informer comme du monde du monde autour de soi?
La première des choses, éviter les médias sociaux. Au complet, la majorité ne fait que pirater les nouvelles dénichées par les journalistes des vrais médias d’information. Une nouvelle ça vient d’abord de l’effort d’un journaliste- pas d’un animateur de radio ou d’un comique qui produit un talkshow- qui a mis du temps à faire autre chose que de répéter un communiqué de presse pondu par un relationniste. Sans journaliste, pas de nouvelles, pas d’information crédible.
Depuis l’arrivée des médias sociaux dans le décor, le nombre de journalistes a diminué considérablement. Les salles de presse se sont vidées. Ici dans la région, on trouve des journalistes qui font un vrai travail d’information dans quelques médias seulement, la SRC évidemment (radio et télé) la plus crédible et la mieux équipée avec le lien national, TVA (télé) de plus en plus réduite malgré son lien montréalais et Le Quotidien dont le système coopératif nous ouvre sur les autres régions. Les autres journaux comme Le Réveil et Informe Affaires fonctionnent avec des pigistes et non pas à proprement parler de salles de presse comme telle. Ils sont fortement dépendants de leurs clients publicitaires. Les autres médias comme les radios privées surfent sur les nouvelles et les informations des autres tout simplement.
Mais la plupart de ces médias locaux ne couvrent que le local. Quand on veut savoir ce qui se passe ailleurs, au Québec et dans le monde, il faut nécessairement se tourner vers d’autres médias d’information.
Il y a des bons journalistes et aussi des chroniqueurs de toutes les tendances dans les quotidiens nationaux suivants : Le Devoir, La Presse, The Gazette, Le Journal de Montréal/Québec, The New York Times, Libération, Le Monde, Le Figaro et quelques autres. Habituellement, une nouvelle internationale de poids (Politique, environnement, société, judiciaire, sportif) sort au New York Times. C’est un quotidien qui compte sur 1000 journalistes et des correspondants partout dans le monde. Ces journalistes sont sur le terrain et peuvent obtenir les infos et les témoignages pertinents sur un événement.
Ce quotidien a des chroniqueurs spécialisés dans tous les domaines et un rayon d’action que peu de quotidiens peuvent se permettre. D’autres quotidiens dans le monde ont eux aussi une présente internationale, je pense au Monde surtout, mais le New York Times est à part. Il a une crédibilité exceptionnelle.
Les journalistes ont le réflexe de base de le consulter automatiquement pour les revues de presse et pour déterminer la priorité de leurs manchettes.
Malheureusement, c’est difficile de les trouver ces journaux en format papier (Sauf Le Devoir) dans les tabagies du coin. Il y a une sélection hebdomadaire du Monde disponible et aussi Le Monde diplomatique pour une couverture plus poussée de la scène internationale.
On ne peut que consulter les versions numériques de ces quotidiens d’envergure sur le web.
Moi j’aime compléter ce survol des quotidiens internationaux avec Charlie hebdo qu’on trouve lui dans nos tabagies de même que leurs tirés à part souvent très instructifs. Charlie est écrit encore une fois par des journalistes qui ont fait leurs preuves et qui souvent interviennent dans d’autres médias français (Radio France entre autres).
Maintenant d’autres sources d’information intéressantes pour éclairer davantage les nouvelles quotidiennes et les rumeurs de toutes sortes qui ne cessent de nous envahir.
Régulièrement, on trouve dans les tabagies qui opèrent encore (Rues St-Do et Racine en bas de la cote) un journal qui se déplie en grand, Le Un qui traite en profondeur, avec des experts des sujets du jour. C’est français mais on n’a pas l’équivalent ici. En plus, il imprime parfois des affiches superbes sur le sujet. Parfois, c’est un auteur à l’honneur ou un peintre (Picasso) quand les expos parisiennes le suggèrent.
Mais la plupart du temps, le Un est informatif et fouillé sur les thèmes de l’actualité française et mondiale.
Pour s’informer encore et débattre de l’époque, les revues et magazines sont encore là en quantité surprenante malgré le fait qu’on persiste à répéter que l’information papier n’a plus sa raison d’être à cause des médias sociaux qui grugent toutes les pubs. Sans doute qu’ils le font mais sans trop informer convenablement les lecteurs et les citoyens. J’ai toujours envie de rire dans ma barbe quand les radios privées et populistes font la tournée des nouvelles des médias sociaux. C’est ridicule. Ils n’ont qu’à lire les journaux d’où sortent la majorité des nouvelles ou fréquenter les radios et les télés qui engagent encore de vrais journalistes.
Il y a des dizaines de revues qu’on trouve dans les tabagies (Avec évidemment leur site internet pour suivre le courant souvent bien malgré elles) qui débattre de l’actualité et nous informe sous toutes les coutures. L’actualité en est une ici, d’autres plus marginales comme Liberté, À bâbord, Québec Science et 24 images pour mes cinéphiles mordus. Tiens Le mouton noir format journal en papier publié depuis 28 ans à Rimouski. Dans le dernier numéro, on y apprend que le maire de la ville commence à ressembler à Jean Tremblay. Décidément, la politique municipale vole bas. Ce journal rimouskois sans pareil informe et commente avec originalité. La culture a sa place de choix. Ici malheureusement, ce type de projet journalistique a toujours avorté après deux ou trois numéros. Dommage.
J’oublie volontairement les revues dans contenu comme Véro et compagnie grassement subventionnées par les fonds publics à cause de leur tirage mais qui n’ont aucun contenu vraiment informatif. En somme, des prétextes à pub.
Pour les journalistes et les recherchistes qui ont toujours envie de sujets et d’analyses inédits, une revue américaine parmi d’autres qui se distingue de puis des décennies The New Yorker.
On la trouve dans les tabagies ici. On peut s’abonner aussi. 200$ pour 50 numéros, c’est donner (Au numéro 8,99$) quand on sait lire l’anglais et qu’on veut vérifier à quel point cette revue américaine de New York mais avec des collaborateurs de partout à travers le monde) reste encore branchée sur son époque. En plus, des dessins d’humour (La marque de commerce du NY), des chroniques, des textes de fictions, deux poèmes par numéro et des pages couvertures qui ont fait la réputation de ce magazine. Sempé y a dessiné plus d’une centaine de couvertures. C’est tout dire.
En plus s’informer? À la télé que je fréquente surtout pour des chaînes intimes (Ex. Silver Screen) qui diffusent que des classiques et des vieux films, ou encore les docus animaliers recherchés (BBC Earth) et les docus historiques de Télé-Québec et de TV 5 qui me rallie à 18h30 avec son bulletin quotidien de nouvelles beaucoup mieux fouillé que les nôtres tout simplement parce qu’ils ont des dizaines de journalistes qui parcourent le monde alors que TVA et la SRC ensemble doivent à peine compter sur une petite dizaine de reporters internationaux. Ça se ressent dans un télé journal.
Évidemment, CNN reste du côté de la télé américaine un incontournable pour arriver sur place quand un événement majeur le commande. Le réseau anglais de la SRC aussi a une longueur d’avance sur les autres chaînes parce que sans doute il a plus de moyens et de journalistes à l’étranger que la chaîne française.
Pour s’informer intelligemment, il y a une autre recette. Faut lâcher prise. Une fois qu’on a saisi que les télés ne font que répéter – souvent avec les bulletins et émissions radio- les deux ou trois nouvelles du jour qui souvent sont sorties le soir ou tôt le matin, parfois le midi et bien on peut s’occuper ailleurs. Lire peut-être. Tout simplement parce que l’info avec les chaînes continues se répètent pour ne pas dire radotent à souhait le jour comme la nuit. Même la télé et la radio d’État (la SRC) finissent par tomber dans le même panneau et se sentent obligés de couvrir trop souvent les mêmes faits divers insignifiants.
Les médias sociaux là-dedans en ajoute une couche. Tout simplement. Pourquoi ne pas juste lire les journaux au lieu de s’informer à la télé toujours au crochet de ceux-ci?
C’est un mauvais réflexe et une perte de temps de s’informer à la télé, à mon humble avis. Parfois, mais rarement, des reportages fouillés en valent la peine. Mais c’est d’abord le journalisme écrit qui donne le ton, révèlent les éléments cachés d’un sujet parce que pour écrire il faut du temps et de la distance. Les médias électroniques sont trop bousculés par l’immédiateté pour lever des parts inédites des sujets traités.
C’est le choix des nouvelles qui est déterminant dans la fréquentation des médias. C’est difficile pour un media de ne pas parler de ce dont tout le monde parle. Même si le sujet en question est vide de sens et frôle la bêtise. La couverture des frasques de Trump par exemple déborde beaucoup trop. Les vedettes, les stars du moment, les gens riches et célèbres sont couverts mur à mur. Ce ne sont pas des nouvelles qu’on diffuse la plupart du temps sur ces sujets. On ne fait que plaisir à ceux et celles qui pensent que les médias comme les médias sociaux doivent prioriser le privé au public.
Si vous vous rendez compte que la nouvelle n’est pas une nouvelle – c’est à dire un événement qui fait avancer la collectivité et nous éclaire sur le monde actuel- et bien il y a de fortes chances qu’elle n’en soit pas une. À chaque jour, je tombe bien malgré moi sur ce type de nouvelle. Une xième sortie de route à Larouche, on ne fait pas une manchette avec ça. La radio populiste et même la radio de la SRC le fait parfois. Mais ce n’est pas du travail journalistique de poids. C’est du remplissage de bulletin de nouvelles. C’est sans doute pour des bourdes journalistiques de la sorte qu’on décide un jour de s’informer de temps en temps sur ce qui se passe autour de soi et ailleurs. À Regard sur le court, Martin Léon avait signalé qu’il ne s’informait plus régulièrement et que cette décision l’avait beaucoup motivé à faire autre chose, écrire, filmer, composer de la musique, vivre quoi. Bonne idée.
Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
Les trois (3) dernières publications:
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