La mairesse, la seconde

Chronique de Monsieur Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida

Parler une langue de bois c’est très insultant, quand on y pense, pour les arbres.
-Hélène Pedneault

J’ai déjà eu une relation privilégiée avec la mairesse actuelle du temps de la première mairesse. Rien de compromettant, je vous l’assure. Quand elle était responsable de l’arrondissement de Jonquière, je lui avais demandé rendez-vous pour suggérer un nom de la nouvelle bibliothèque de cette ville, justement. Je craignais qu’on donne à ce lieu culturel le nom de Marina Larouche ou de Jean Tremblay, ou encore le nom d’un curé, quant à être parti, un sait martyr canadien qui avait une vieille tante ici. J’avais suggéré avec un des amis de toujours d’Hélène, Denis Leclerc, le nom d’Hélène Pedneault, écrivaine, militante écologiste, nationaliste, féministe et lesbienne de Jonquière. Le rendez-vous a donné des résultats. Aujourd’hui, c’est la bibliothèque Hélène-Pedneault grâce à l’ouverture d’esprit de la mairesse actuelle et des conseillers qu’ils l’ont appuyée avec l’ancienne mairesse évidemment. C’est un bon coup de sa part et de l’ancienne mairesse qui confirme que parfois les élus municipaux ont l’écoute de leurs citoyens qui croient qu’il faut aussi investir dans d’autres lieux publics que les arénas et les stationnements gratuits pour mieux se souvenir des personnages précieux qui viennent d’ici.

La bibliothèque avait été construite après des années de revendications comme celle de Chicoutimi d’ailleurs. Celle de la Baie, elle attend toujours et c’est aussi au bilan négatif. De l’administration en place. Comme si chaque conseil municipal de Saguenay avait comme mission de retenir une bibliothèque à naître…

Passons pour le moment là-dessus.

La conseillère municipale s’est faite élire en promettant, entre autres, un peu la même chose que l’ancien maire populiste, un gel de taxes et – il faut le dire- la transparence de ses décisions pour retrouver enfin l’harmonie autour de la table du conseil municipal. Mais le hic, une mairesse ici comme lors de la première, ça passe mal. Je vais essayer de formuler les raisons principales qui font que la politique municipale régionale semble abonnée à une forme pour ne pas dire à une sensibilité qui fait la vie dure à la madame qui ose prendre le pouvoir.

La première mairesse était considérée par le citoyen d’abord comme une snob de Chicoutimi avec, il faut le dire, une certaine prestance. Elle passait bien à la télé. Elle savait s’exprimer mais nos médias populistes ne l’ont jamais vraiment adoptée. Ils s’ennuyaient de l’amuseur public qui a miné l’esprit du conseil de ville durant trop d’années. Ils ont d’ailleurs tout fait pour qu’elle perde ses élections au profit d’une mairesse de Shipshaw, banlieue de Jonquière et d’Arvida plus accessible sur le plan politique pour le citoyen d’abord. Ils croyaient que la mairesse actuelle serait en quelque sorte une sorte de version féminine soft de l’ancien amuseur public. Son langage souvent coloré et sa répartie lui donnaient une longueur d’avance. Mais la madame a des défauts et ceux-ci jouent contre elle depuis le début de son mandat.

En général, les citoyens d’abord ne l’aiment pas parce que c’est une femme. La fibre machiste continue de vibrer au conseil municipal et dans le cœur des électeurs. C’est encore un boy’club comme le dit l’une des conseillères en place., ancienne candidate à la mairie jadis. Dans la région aussi. Souvent avec ma blonde je me fais dépasser par un pick-up avec un skidoo dans la boîte et j’ai toujours la même remarque : «ça c’est un homme»…c’est plus fort que moi, comme si le pick-up et le skidoo étaient tous deux le prolongement de vous savez quoi…

Mais maintenant les citoyennes d’abord ne semblent pas apprécier tellement la nouvelle mairesse. Certaines la trouvent «quelconque» en public. On sait comment l’image, la manière de dire les choses, le style de la personne, le vocabulaire influent sur l’opinion publique. J’ai entendu des remarques acerbes sur la mairesse davantage des femmes que des hommes. Exemple : «on dirait qu’elle arriver du camping» ou encore « elle devrait se trouver un porte-parole des fois pour la remplacer». Bref, la nouvelle mairesse passe mal dans les médias depuis son élection. Est-t-elle mal conseillée? Est-t-elle mal entourée? J’imagine qu’elle le sait et que ses collaborateurs veulent qu’elle s’améliore. Les autres élus aussi qui l’entourent et qui subissent malgré eux son image de mairesse mal aimée du citoyen d’abord. Je crois que sa complicité avec la radio populiste la plus populaire en ville pour sortir quelques petites nouvelles exclusives ou pour se défouler sur une question qui colle à l’actualité municipale ne lui sert pas à la longue. La radio populiste (Celles de Chicoutimi et de Jonquière) continue de fouiller les poubelles depuis toujours. Ce ne sont pas des journalistes qui s’activent à ces stations, mais uniquement des nimateurs/vendeurs de chars qui cultivent la cote d’écoute et entretiennent la nostalgie de l’amuseur public qui a miné la politique municipale de Saguenay pendant trop d’années. D’ailleurs l’amuseur en question continue d’intervenir dans les deux radios populistes pour ajuster le tir de la mairesse et défendre son bilan exemplaire, quand ce n’est pas le vendeur de fromage en crottes de la Baie qui récidive comme commentateur politique municipal objectif. Les autres admirateurs et anciens complices du temps de Ti-Jean sont encore actifs dans des médias écrits et ailleurs aussi. Un ancien attaché de presse de l’ancien régime supervise «la radio communautaire» de Jonquière devenue country et bingo du dimanche.

En connivence avec Le Réveil, nouvelle mouture. Le docteur Vaillancourt doit se retourner dans sa tombe au cimetière des Saints-Anges quoiqu’il était lui aussi plutôt duplessiste et très attaché à …Jonquière. Apprendre en plus que son journal a été récupéré par des entrepreneurs/medias d’Alma, il aurait un étourdissement dans sa clinique face à l’église St-Do. Et si l’avenir de Saguenay se dessinait au Lac?…

Je m’éloigne, je m’éloigne et ce en plein hiver. Le risque de prendre le clos à Larouche.

Bon, je voudrais seulement relever deux sorties publiques de la seconde mairesse qui indique à quel point on peut parfois réduire un personnage politique à certaines répliques compromettantes. C’est d’ailleurs ce que je fais ici tout en creusant mes préjugés.

L’actuel premier ministre de notre belle province dormante est passé maître pour dire ce qu’il ne devait pas dire. Il vient justement de souligner sur Face book évidemment que les syndicats dans la renégociation des conventions collectives sont «refermés sur eux-mêmes et ne veulent pas collaborer». En gros, il affirme que sa position est la seule valable et qu’on ne discute pas avec un pm qui a le gros bout du bâton de la négo et de l’Assemblée nationale. Duplessis n’est encore pas loin.

La mairesse de Saguenay s’est emportée récemment sur le sujet on ne peut plus épineux du stationnement à l’hôpital de Chicoutimi. Elle a affirmé que la région va fermer si on n’agrandit pas ce parc de voitures qui s’étend à l’infini dès qu’on arrive du Parc sur le boulevard Talbot. Comme si les nombreux vendeurs de chars continuaient à faire leur promotion bien au-delà de leur territoire. D’aucun pensent que près de l’hôpital, c’est un ciné-parc ou une vente sous la tente d’oxygène. Bref…

Au lieu de réfléchir à une solution un peu plus verte- on pourrait aussi s’étendre sur la mairesse qui coupe des arbres pour accueillir plus de promoteurs de tout acabit. Encore là la nécessité du stationnement à tout prix- et d’écouter le vent de l’époque sur les autres moyens de circuler dans la ville, la mairesse penche encore du côté du citoyen d’abord qui ne respire plus hors de son pick up qui veut surveiller de la fenêtre de sa chambre d’hôpital.
Et l’autre point que je voudrais souligner c’est une sorte d’anecdote plus personnel toujours de la seconde mairesse.

Elle a avoué ne pas avoir pris l’avion et voyager beaucoup depuis …Shipshaw.

C’est vrai que l’ancien maire avait fait plusieurs fois le tour du monde pour chercher une solution au traitement des déchets et pour revitaliser sa ville. En retour de Chine, il avait souligné que les Chinois n’avaient rien inventé. Ses récits de voyages avaient quelque chose de tintinesques. Plus tard, on a appris qu’il ne visitait que des églises pour soigner ses maux de dos avec de l’eau bénite de partout. Mais, passons vite sur son dos.

C’est vrai qu’ici les gens voyagent beaucoup. Ils découvrent le monde en se rendant la plupart du temps toujours à la même place, au soleil, dans le sable d’une plage du Sud avec leur petit sac de fromage en crottes. Hors les Etats-Unis et les plages du Mexique ou de Cuba, point de salut pour nos grands voyageurs hivernaux.

Je me suis souvenu d’un écrivain français, indépendant de fortune, Raymond Roussel (1877-1933) plutôt excentrique qui avait voyagé une bonne partie de sa vie en Afrique, en Europe et en Asie mineure, un peu partout. Il vivait dans une roulotte lors de ses nombreux voyages et n’en sortait jamais. Il racontait ses voyages à partir de son imagination.

Un cinéaste suisse, Peter Volkart avait fait un court métrage en hommage à ce personnage inusité que j’avais vu à Regard sur le court. En grande partie monté avec des illuminations et des images empruntées à des vieux recueils d’illustrations. Ce film Terra Incognita était particulièrement fascinant, pour ne dire surréaliste comme la plupart des films de ce cinéaste, lui aussi hors du commun. Je me demande ce qu’il est devenu. Je l’avais reçu chez moi à l’époque.

J’imagine peut-être que notre mairesse a peut-être plus voyagé que bien d’autres citoyens d’abord à travers leurs illusions, leurs idées fixes. Peut-être aussi que Raymond Roussel est l’un de ses écrivains préféré sans le dire à personne.

Bref, la seconde mairesse navigue entre glissements de terrains – cauchemar de Saint-Jean-Vianney- , stationnements de toutes sortes et rumeurs gonflées par les oiseaux de proie qui logent dans les medias sociaux de plus en plus. Il y a de quoi faire un court métrage peut-être aussi halluciné que les récits de voyage de Volkart et ceux de Raymond Roussel. Ne lui jetons pas la dernière insulte sur le marché. Attendons sa prochaine réplique. Cette ville, notre ville survie surtout de l’imagination des autres. La notre est en veilleuse, on dirait.

On attend son réveil.

Pierre Demers, cinéaste et poète rouge d’Arvida
n.b.prochain sujet : le recyclage ici

 


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