Les chauves-souris: le monde mystérieux de la chiroptérologie

Par Antoine Le Blet, technicien de la faune chiroptérologue, membre fondateur du Groupe Chiroptères du Québec
Voici déjà le dernier article de cette série sur les chauves-souris. Pour finir en beauté, nous partons à la découverte du monde surprenant de la chiroptérologie, la science des chauves-souris ! Bien que ce monde vous ait été entre-ouvert au travers des trois précédents articles, celui va vous emmener à la rencontre de ses aventures et découvertes surprenantes !
Les chiroptérologues, sont, par définition, des personnes spécialistes et, ou, scientifiques étudiants les chauves-souris. Le rédacteur de cet article, votre aimable serviteur, est d’ailleurs l’un d’entre eux.
Légende : Antoine Le Blet s’apprête à démailler une chauve-souris capturée dans un filet japonais (Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
Ce travail peut être très diversifié, pour peu que vous touchiez à la fois au monde privé (les études d’impacts, les inventaires…) et au monde scientifique, notamment publique. Installer des détecteurs de chauves-souris à longueur de journée pour ensuite analyser les sons enregistrés pour les identifier peut paraitre rébarbatif et redondant et il est clair que le principal travail qu’un chiroptérologue aura à faire est celui-ci, du moins, en Amérique du nord. Mais il serait dommage de le réduire à cela. Car là où se trouve la véritable passion, c’est dans la recherche et la conservation. Comme mentionné dans le premier article, la chauve-souris est une arme de protection massive de nos écosystèmes. Il est donc agréable de travailler avec ces espèces dans cette optique. Mais que fait d’autre un spécialiste des chauves-souris ?
Légende : Antoine Le Blet observe l’aile d’une chauve-souris sur la table de manipulation, installée proche du lieu de capture en pleine forêt. (Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
Pour s’intéresser au monde secret de ces animaux, il faut être un brin aventurier. Il n’est pas donné à tous de pouvoir passer plusieurs semaines dans une région isolé, avec les mêmes collègues, le tout quelques fois en mode « camping » afin de capturer des chauves-souris et de crapahuter dans la forêt à la recherche d’un signal radio. Car oui, l’étude des chauves-souris, c’est aussi ça. Rechercher les meilleurs endroits où poser ses filets japonais ou son « piège harpe » afin de collecter des informations sur les animaux capturés. Après quelques fois plusieurs heures d’attente dans la nuit, en faisant preuve de délicatesse, elles sont démaillées, puis, on peut les identifier, prendre des mesures, du poil, des excréments ou des parasites par exemple, le tout pour étudier leur génétique ou leur alimentation. Et il arrive qu’on leur pose un émetteur sur le dos, par exemple, afin de mieux appréhender leur habitat. Le lendemain, donc, on se retrouve à suivre un signal souvent bien difficile à localiser pour trouver la cavité rocheuse, l’arbre ou maison où elle se trouve. La chiroptérologie, c’est l’art d’attendre des heures en ayant quelques fois aucune capture, et recommencer le lendemain, avec la foi d’avoir une nuit plus fructueuse.
Légende : condition de travail au crépuscule. On aperçoit les filets japonnais et une personne qui les vérifie. (Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
C’est aussi savoir régler des conflits, entre l’animal et l’humain. Réussir à sauver une maternité in extrémiste avant qu’elle ne se fasse détruire, en trouvant des solutions simples pour la sortir sans risque pour l’espèce. C’est faire des conférences, écrire des articles et répondre à des questions, tout le temps. C’est aussi voir sur la route un arbre creux parfait, une vieille grange, une grotte ou une chauve-souris passer au-dessus de la route la nuit dans les phares de la voiture, des détails que les autres ne voient pas. C’est accompagner des initiatives populaires et soutenir des projets innovants. C’est passer son hiver à rédiger des rapports, faires des demandes de permis ou écrire des projets de recherche.
Légende : Virginie Lemieux Labonté cherche une chauve-souris capturée la veille grâce à la télémétrie. (Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
Mais c’est surtout aimer la nature, se soucier des autres espèces, que ce soit les oiseaux qui se prennent dans les filets ou les espèces qui sont inventoriées en même temps que les inventaires de jour. Car oui, le travail se fait de jour comme de nuit, à pied, en véhicule ou en bateau, en ville, en campagne ou en pleine forêt. C’est recommander des types d’aménagements comme des haies brise-vents ou inventer des abris, comme ceux qui peuvent les accueillir dans votre entretoit. C’est faire de la spéléologie dans des endroit méconnus ou visiter des lieux uniques comme de vieux châteaux ou des milieux naturels extrêmement rare. C’est devoir faire des choix, souvent difficile, par manque de moyen, humain ou financier, car la conservation est le parent pauvre de l’économie.
Mais il est difficile d’offrir de meilleures conditions de travail que celui d’attendre, entouré de bons collègues, souvent de bons amis, devant un ciel étoilé, l’arrivé d’un animal qu’il est important de conserver. Et par-dessus tout, au-delà des nuits fraiches et humide à dix degrés, au-delà des moustiques attirés par la lampe frontale comme l’abeille par de jolies fleurs, le sentiment de faire quelque chose de concret pour l’être humain et son milieu de vie, la nature.
C’est par cet article que cette série s’arrête, avec comme espoir de vous avoir faire aimer, ou du moins, vous intéresser aux chauves-souris.
Légende : sur un éperon rocheux , Virginie Lemieux Labonté utilise la morphologie du terrain pour avoir plus de portée avec le récepteur télémétrique. (Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
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