Les chauves-souris : leur importance pour l’environnement

Par Antoine Le Blet, technicien de la faune chiroptérologue, membre fondateur du Groupe Chiroptères du Québec
Les chauves-souris au Québec sont mal connues, trop. C’est souvent ce qui leur est le plus dommageable. Pourtant, cet animal a une importance capitale au sein de nos écosystèmes, et il s’avère être un outil considérable pour la conservation de la nature.
C’est à travers cette suite de quatre articles dont celui-ci est le premier, que nous vous offrons la possibilité de découvrir ce monde peu connu de la chiroptérologie.
On dénombre huit espèces de chauves-souris au Québec. Parmi elles, trois sont migratrices et cinq sont résidentes, c’est-à-dire qu’elles hibernent durant l’hiver sur notre territoire. Trois de nos espèces sont actuellement en voie de disparition, la Petite chauves-souris brune, la Chauve-souris nordique et la Pipistrelle de l’est. Ce statut plus qu’inquiétant est majoritairement dû au Syndrome du museau blanc (le SMB) qui se trouve être une infection fongique déciment les chauves-souris hibernantes en Amérique du nord. Mais alors, pourquoi dire que l’humain lui est dommageable ?
(Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
Premièrement, il est à savoir que ce champignon venu d’Europe ne serait pas là sans la mondialisation. Mais si cela ne concerne que très peu les québécois en termes de responsabilité, celle de la destruction des colonies de chauves-souris en est une. Le fait de mal connaitre les chauves-souris est généralement la cause de ces méfaits. Malheureusement, aujourd’hui, détruire une colonie est plus dommageable pour nos espèces qu’avant l’arrivée du SMB en 2006. Pourquoi ? Car si nous détruisons les dernières colonies de chauves-souris restantes sur notre territoire, celles qui sont possiblement résistantes au SMB, nous détruisons les chances de voir ces espèces perdurer sur notre belle province.
Nous supprimons aussi cet outil formidable qu’est la chauve-souris pour préserver nos écosystèmes. En effet, du fait de son utilisation importante pour notre territoire, la préserver reviens à protéger une grande partie de celui-ci. Une chauve-souris a besoin de milieux humides comme des tourbières ou des lacs, ainsi que de milieux ouverts comme des prairies, mais également des corridors écologiques comme des haies ou des cours d’eau, des forêts d’âges diverses et d’abris, que ce soit des arbres à cavités, des grottes ou même des structures humaines. Avec son alimentation, les insectes, elle est tributaire d’un environnement en bonne santé. Si une région surutilise des produits phytosanitaires comme les insecticides, les populations de chauves-souris en seront rudement touchées. La qualité de l’eau, importante pour la chauve-souris dont le rituel de sortie de gîte (d’abris) est d’aller faire un tour sur un plan d’eau pour s’y désaltérer, est cruciale. En préservant l’habitat de la chauve-souris, il en résulte une nature en meilleure santé et une biodiversité abondante. Ce danger que peut représenter nos activités humaines est pourtant accompagné d’une autre réalité, à l’opposé de celle-ci.
(Crédit photo: Groupe Chiroptères du Québec, Antoine Le Blet)
En effet, l’Être humain a pourtant permis à nombre d’espèce de coloniser le monde, notamment grâce à l’agriculture. Avant l’ouverture des forêts pour la création de champs, la biodiversité était limitée. La création de parcelles agricoles, tout d’abord de petites tailles, souvent entourées de haies brise-vents, a permis à de nombreuses espèces de s’installer durablement sur ces territoires, même si bien souvent, les espèces forestières en ont été chassées, sur des territoires grands comme le Saguenay Lac Saint-Jean, la diversité d’habitats permet une plus grande biodiversité. La chauve-souris en fait partie, aidée par les infrastructures humaines. Les maisons, les granges ou même, par exemple, les églises, offrent un abri idéal pour ces animaux nocturnes. Elles peuvent s’y reposer et y élever leurs petits. Les espaces ouverts et les haies offrent une complexité d’habitat plus intéressants pour ces espèces. Pourtant, cet impact positif que nous avions sur ces animaux est en train de tourner au drame en Amérique du nord. Le SMB réduit les populations drastiquement, ces espèces se retrouvant affaiblies face aux dangers d’une agriculture intensive et chimique, une peur de cet animal nocturne qui poussent beaucoup d’entre-nous à les chasser de nos entretoits et une industrie forestière qui rajeunit nos forêts.
Ces dernières problématiques ne sont pas seulement présentes ici, mais leurs impacts corrélés à celui du SMB créé un mélange parfait pour créer une menace inédite pour les chiroptères. Dans une époque où il est de plus en plus question d’écologie, il est crucial, pour les chauves-souris et bien d’autres espèces et notamment l’humain, de repenser rapidement notre façon de traiter notre paysage et les écosystèmes qui les composent.
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